API’UP reconstruit les meubles et les hommes
Depuis janvier, l’association API’UP a ouvert un atelier d’insertion qui réalise la collecte sélective des déchets des entreprises, et les transforme en nouveaux mobiliers.
Quand un rapprochement familial l’a conduite dans les Landes en mai 2012, Valérie Fernani a rapidement compris qu’elle ne trouverait pas localement d’activité équivalente à ce qu’elle exerçait jusqu’alors. Après avoir travaillé dans le monde de l’économie marchande et le développement durable, elle a présidé pendant dix ans une entreprise solidaire, et c’est naturellement qu’elle souhaitait poursuivre dans cette voie. Pour y parvenir, la jeune femme a décidé de créer son propre emploi. Une étude du contexte local lui a fait apparaître des opportunités dans le domaine des déchets. Avec sept autres professionnels réunissant compétences et expériences en design, développement durable et insertion par l’activité économique, elle a donc créé l’association API’UP afin de développer des projets sur le secteur des déchets dans le cadre de l’économie circulaire, économie industrielle qui a pour objectif de produire des biens et des services tout en limitant fortement la consommation et le gaspillage des matières premières et des sources d’énergies non renouvelables. Soutenue par le Conseil général, le Conseil régional, l’Etat et l’Europe, API’UP a pu vérifier la faisabilité de son projet avant de lancer, en janvier dernier, l’atelier d’insertion RECYCL’UP à Capbreton.
A la sortie de la commune en direction de Labenne, l’entreprise solidaire a pris ses quartiers dans les locaux d’une ancienne menuiserie. Ici travaillent quatre permanentes (dont Valérie Fernani qui dirige l’équipe) et neuf équipiers. Neuf personnes, longtemps éloignées de l’emploi, qui reprennent ici pied dans le monde du travail. «Les candidats nous sont envoyés par un réseau de partenaires, au premier rang desquels figure Pôle Emploi. Mais nous travaillons aussi avec le Conseil général au travers de son réseau d’assistantes sociales, avec l’association Cap’Emploi ou encore la mission locale. Nous accueillons des personnes qui ont des profils très différents mais qui rencontrent des problématiques sociales et professionnelles, car le parcours d’insertion professionnelle proposé est progressif et sur-mesure.» Les équipiers peuvent ainsi développer leurs qualités relationnelles et (ou) techniques dans l’objectif de construire leur projet professionnel. Ils ont jusqu’à deux ans pour le faire. Mais pour certains, le déclic est beaucoup plus rapide. En octobre, trois des équipiers accueillis en mars dernier quitteront la structure pour s’engager dans des formations qualifiantes : l’un comme soudeur, un autre comme chauffeur et la dernière comme monitrice d’auto-école. Des métiers disparates qui leur sont apparus comme évidents dès lors qu’ils ont pu bénéficier du coup de «booster» d’API’UP, et qui n’ont pourtant rien à voir avec ce qu’ils ont fait durant leur passage par l’atelier d’insertion.
RECYCL’UP s’appuie en effet sur deux activités complémentaires. D’un côté, la collecte sélective et le tri des déchets d’activités économiques (entreprises, administrations, associations…). De l’autre, la production en série de nouveaux meubles et objets à partir de la récupération et du détournement à l’infini de certains matériaux délaissés : l’upcycling. A partir des rebuts de recyclerie (meubles usagés ou passés de mode) et des déchets des entreprises (palettes, vieux mobiliers, textiles…), RECYCL’UP fabrique de nouvelles gammes de mobilier. Attention ! Il ne s’agit pas de redonner un coup de peinture à une vieille commode défraîchie, de rempailler une chaise à l’assise percée, ni même de relooker une table basse. L’upcycling relève du secteur industriel. C’est un mode de réutilisation ou de recyclage impliquant une standardisation des procédés et une production en série, exigeant l’intervention d’un designer industriel.
Tout ce qui arrive ici commence par être entièrement démonté. Les différentes pièces sont ensuite rangées en fonction de leur nature et de leur taille. Elles seront réutilisées pour la construction d’un nouveau meuble ou objet, totalement différent de celui dont elles émanent. Flavie Thievenaz, la designer de RECYCL’UP, a ainsi créé deux gammes de mobilier qui sont entrées en production et qui sont «proposées à des tarifs solidaires de sorte que chacun puisse aménager son intérieur de façon esthétique et fonctionnelle».
Deux gammes en production... d’autres à venir
La première comprend un porte-manteau, un bureau d’appoint et une table de nuit. Tous ont la particularité d’être réalisés à partir de bois massifs récupérés. En fonction des gisements, les essences de bois utilisées peuvent être différentes. Chaque meuble garde donc le cachet de la matière d’origine. La seconde gamme baptisée «Lexi» vise la modularité au travers d’éléments pouvant à la fois servir de rangement et d’assise, assemblables à l’infini et modifiables à souhait. Les divers meubles sont proposés en trois finitions : originale pour garder le cachet du meuble initial, brute pour un meuble poncé, et naturelle pour un meuble poncé et traité à l’huile de lin et à la cire d’abeille d’Aquitaine. «Nous sommes également en train d’étudier la coloration avec des peintures uniquement à base d’ocre.» Le catalogue s’enrichira au fur et à mesure. Flavie Thievenaz travaille actuellement sur une gamme de petits objets (boîtage, petits rangements)…
A côté de ces meubles destinés au grand public, RECYCL’UP travaille aussi sur mesure pour le compte de certains professionnels et collectivités. Un espace de co-working et une agence d’urbanisme ont demandé de concevoir et de réaliser les mobiliers de leurs bureaux. La marque de surf Volcom lui a commandé des tabourets pour équiper ses boutiques… «Nous ne nous attendions pas à ce que notre activité rencontre si vite un tel succès», avoue Valérie Fernani. Emmanuelle Ajon, conseillère régionale déléguée à l’insertion par l’activité économique, s’en réjouit d’autant plus. Pour participer à son démarrage, l’association API’UP a obtenu en mai 2014 une aide régionale en fonctionnement d’un montant de 23 398 € et une aide en investissement en outils de production de 34 555 €. «Cela fait maintenant près de treize ans que le Conseil régional a parié sur le soutien au milieu économique par l’insertion professionnelle, souligne l’élue. Ce n’est pas de l’aide sociale mais bien un véritable levier vers l’emploi, comme le prouve la réussite d’API’UP.» En Aquitaine, le secteur de l’insertion par l’activité économique est composé de 300 entreprises qui emploient près de 13 000 salariés et génèrent un chiffre d’affaires de 80 M€.
Bravo les filles
Imagination, compétences professionnelles, disponibilité, tout cela dans la joie et le plaisir de travailler.
j'y suis allée et j'y retournerai régulièrement.